Historique et patrimoine
L’historique du Lycée dépasse largement l’évolution de l’établissement pour révéler un phénomène de plus grande ampleur : la mutation de l’enseignement technique féminin en France.
D’une architecture classique, le bâtiment imposant fermé sur trois côtés par des arcades surmontées d’une galerie s’ouvre sur la chapelle de style néo gothique ombragée de grands arbres. De grandes grilles de fer forgé ferment la cour d’honneur sur la rue, de hauts murs ceinturent un vaste parc à l’anglaise. L’édifice suscite d’emblée une forte impression et traduit l’origine du bâtiment.
L’auteur de cet historique est Monsieur Robert Rygiel, professeur honoraire.
Les sources et citations proviennent des rapports des différents Conseils : Administration, Perfectionnement, Professeurs, Discipline ainsi que des journaux locaux : Le Berry Républicain et La Nouvelle République.
Du Petit Séminaire à l'ENP de Jeunes Filles
Le projet remonte au règne de Louis-Philippe, à l’initiative de Monseigneur du Pont, Cardinal archevêque de Bourges qui voulait doter son diocèse d’un Petit Séminaire. L’emplacement retenu était alors situé en pleine campagne, sur une hauteur, à la lisière sud de la ville.
Bourges ne comptait que 22000 habitants et la cité s’arrêtait à l’esplanade Saint Michel, aujourd’hui esplanade Marceau.
Le terrain, acheté en 1842, pour la somme 10975 francs, d’une contenance de six hectares soixante ares, jouxte » au levant trois morceaux de vigne, au midi un chemin appelé la ruelle aux loups et au nord la route de Bourges à Dun-le-Roi… ».La première pierre de l’édifice, renfermant un parchemin, fut scellée le 11 octobre 1845 par le Cardinal du Pont et la construction commença, selon les plans de MM.Juillien et Bussiere, architectes, dont le nom gravé avec la date 1854 reste parfaitement visible au sommet d’un pilier d’angle, à droite de l’entrée principale.
Les travaux, malmenés par les tempêtes politiques et économiques, allaient durer onze ans et coûter plus d’un million de francs. Dès 1847, ils furent pratiquement interrompus par la crise et la révolution de 1848 ; ils ne reprirent leur cours qu’en 1852. En 1856, trois ans avant sa mort, Monseigneur du Pont inaugurait le Petit Séminaire « Saint Célestin ». Sous l’influence des Dominicains dont le Père Lacordaire, qui visita l’établissement dès la première année scolaire, sont introduits dans les programmes l’enseignement des sciences physiques et naturelles et, jusqu’à la fin du siècle, « Saint Célestin » conserva une image de modernité pédagogique, dispensant même un cours de photographie.
Mais la vie était stricte au Petit Séminaire : uniforme, en toutes saisons, lever à 5 heures, peu de distractions, sauf à l’occasion de brèves vacances. Un orphéon et un orchestre regroupaient les talents locaux. Le sport, football, puis rugby, n’apparut qu’en 1901. Cependant, le Petit Séminaire ne manquait pas d’attraits. La chapelle, chaudement éclairée par de beaux vitraux, offrait, avec ses murs ornés de fresques, un cadre agréable aux cérémonies religieuses. De riches collections d’oiseaux naturalisés et de minéraux agrémentaient le grand hall d’entrée. Quant au parc, outre un petit potager, flanqué de quelques ceps de vigne, il comportait un jardin botanique aux essences rares dont quelques spécimens subsistent encore. Deux Supérieurs, sensibles à l’esprit des lieux y reposent définitivement : leur mausolée, en parfait état de conservation, reste visible à l’angle sud.
Ainsi, « Saint Célestin » affirmait au fil des années sa réputation de sérieux et de qualité. Dès avant 1900, il était fréquenté par près de 200 élèves dont, à une époque, Georges Bernanos. Parmi les professeurs, le plus prestigieux fut sans nul doute l’abbé Théophile Moreux, mort à Bourges en 1954, qui a laissé son nom à une rue longeant le lycée. Il fut nommé à « Saint Célestin » en 1890, sur une chaire de mathématiques, mais il se fit surtout connaître comme météorologiste et astronome. Directeur de l’Observatoire, il attira l’attention du monde scientifique par ses travaux relatifs à la planète Mars.
Dans la nuit du 20 au 21 juillet 1899, la cloche de bronze, toujours visible dans la cour intérieure, sonna à toute volée, annonçant un terrible incendie qui détruisit toute l’aile gauche de l’édifice, sauf le cloître. Une souscription permit de mener à bien la reconstruction, dont le montant s’éleva à 300 000 francs.
Abandon et incertitudes
1905 : la loi de la séparation de l’Église et de l’État met fin au Petit Séminaire Les biens du clergé sont nationalisés. En décembre 1906, la force de police expulse le clergé, le mobilier entassé pêle-mêle dans la cour est vendu aux enchères. Le département, nouveau propriétaire, se trouve en définitive fort encombré par cet édifice au coût de fonctionnement prohibitif. Pendant des années, les projets se succèdent : les locaux à l’abandon se dégradent lentement. La Première Guerre Mondiale suspend tout projet. Le bâtiment abrite d’abord un asile d’incurables puis devient rapidement un hôpital militaire complémentaire. Par la suite les locaux sont aménagés en logements destinés aux ouvriers de l’armement. Une pouponnière fonctionna brièvement.
Après la guerre, la question reste entière : que faire du Petit Séminaire Saint-Célestin ? L’entretien s’avère dispendieux ; la toiture d’une superficie de un hectare, appelle une réfection générale. Deux projets concurrents surgissent, celui du Conseil Général pour un asile d’incurables et celui de Henri Laudier, Maire de Bourges depuis 1919 en faveur d’une Ecole Nationale Professionelle de jeunes filles. Une âpre bataille s’engage pour de nombreuses années. Malgré un accord préalable, devant la mauvaise grâce du Conseil Général, le 28 août 1926, Henri Laudier, réélu, consacre une séance extraordinaire du Conseil Municipal à « la question de l’E.N.P et des incurables ». Le citoyen maire lance une véhémente philippique, il déplore avec violence le sacrifice de la jeunesse en faveur ″de malheureux épileptiques et gâteux (…) alors que la jeunesse(…), enfants du peuple (…) c’est à dire la sauvegarde de la race et l’avenir du pays, continuera à être parquée dans des locaux inconfortables et insuffisants (…) ». La résolution est adoptée à l’unanimité.
En novembre 1927, le Préfet du Cher, Edouard Herriot, Ministre de l’Instruction Publique, Armand Fallières Ministre du Travail, et Henri Laudier, Maire de Bourges, apposaient leur signature au bas d’une convention par laquelle le Département louait à l’État, à bail emphytéotique, « pour une durée de 99 ans et moyennant un loyer annuel de un franc l’immeuble dénommé ancien petit séminaire Saint Célestin ». Le Département est dégagé de toute subvention tandis que la ville de Bourges « s’engage à participer aux frais d’installation, de fonctionnement (…) pour une somme de 60 000 francs, (…) l’Etat prendra à sa charge toutes les dépenses (…) incombant ordinairement au propriétaire ». Le montant des frais d’installation s’élève à 1926000 francs, dont une participation de la Ville de 600 000 francs.
De l'ENP de jeunes filles au Lycée Technique d'Etat
14 octobre 1929 : émotion de la première rentrée pour 78 élèves, 6 professeurs, 6 maîtresses d’internat chargées de cours, toutes demoiselles, sous la direction de Mademoiselle Duban et de la surveillante générale Berthe Keller.
Après Vierzon, en 1887, première ENP de garçons, le Cher reçoit la première ENP de jeunes filles, 7 établissements de ce type furent implantés en France. Recrutées nationalement sur concours, à partir de 12 ans, les élèves suivent 4 ans d’études sanctionnées par un diplôme d’élève brevetée de l’ENP.
Le second degré, accessible à partir du niveau du Brevet simple, offre quatre sections : enseignement supérieur de commerce, publicitaires, aides chimistes, préparation aux Ecoles d’Infirmières, pour une durée d’un à deux ans. Une année préparatoire est instituée.
Le prix de pension « modéré » est fixé à 2400 francs. Dés l’origine, la politique de l’école traduit une haute ambition, reflet de l’idéologie d’avant garde de l’époque : réhabilitation du travail manuel, confiance dans la technologie nouvelle, émancipation féminine.
Madame la Directrice multiplie sans relâche les efforts pour ‘la réclame et la publicité » : articles de journaux, affiches, brochures, visites, participation aux expositions. Dès 1930, une brochure imprimée illustrée de nombreuses photos présente les diverses sections et met en relief l’originalité de l’ENP, elle « prépare à des emplois de commandement et de contrôle (…) ou à des fonctions d’exécution qui réclament une sérieuse compétence technique ». L’accent est également porté sur la double formation: professionnelle « très approfondie », et générale « indispensable pour acquérir et perfectionner les qualités mêmes de l’intelligence », ainsi que sur la vocation traditionnelle des jeunes filles dans « leur rôle féminin et maternel ». Elles seront de bonnes mères de famille et grâce â l’enseignement ménager « elles trouveront moyen de faire en peu de temps et bien, ce qui remplissait les journées de nos grands-mères ». Dans une envolée lyrique, Madame la Directrice entrevoit un avenir radieux: « En créant cette école a Bourges, on a mis au cœur même de la France, la ruche active d’où essaimeront dans toutes les directions, les diligentes et habiles ouvrières ». La vie à l’école est présentée sous des aspects assez idylliques. Outre la qualité de l’enseignement, le matériel moderne, des conditions « exceptionnelles de salubrité et d’agrément », les jeunes filles pourront se reposer dans leur « petite chambrette ».
L’aire de recrutement couvre une vaste zone du Centre-Ouest, allant du Berry à la Bretagne.
Le fonctionnement de l’école, administratif, matériel, pédagogique présente assez nettement un caractère expérimental et une autonomie certaine.
Les méthodes pédagogiques s’engagent dans des voies d’allure très moderne. Le conseil des professeurs décide des cours nécessaires â chaque section, des modifications de programme, en particulier de leur allégement et de leur adaptation « à la section et à la région ». Madame la directrice visite les classes et prodigue ses conseils, pour un enseignement concret et vivant, « évitez de dicter des plans afin de ne pas perdre de temps et de ne pas employer trop de papier (… ) préparez à l’avance (… ) des exemples et des questions précises ». Les corrections pourront être faites par les élèves. Une très grande attention est portée au suivi des élèves et à la détection de leurs aptitudes. Les épreuves du concours d’entrée doivent permettre de « juger l’acquis scolaire et d’apprécier les dispositions particulières: mémoire, imagination, compréhension, jugement, esprit critique ». Les premières années effectuent en « papillonnage », un stage dans les divers ateliers avant d’être affectées dans une section. Il est recommandé de « doser davantage les sanctions », afin d’éviter le découragement. Les journées de travail sont longues, 44 heures par semaine, interrompues par quelques loisirs nouveaux.
En 1937, l’on peut écouter à la chapelle des émissions sélectionnées de TSF, la construction de deux terrains de tennis, sport « très indiqué pour des jeunes filles » est décidée. La participation à des manifestations extérieures rompt la monotonie quotidienne. Tous les ans, l’ENP tient un stand à la foire exposition de Bourges, des primes de 100 francs récompensent les élèves les plus actives. Les participations à l’Exposition d’Alger, en 1936, à l’Exposition internationale de 1937, développent sa notoriété. La discipline est stricte mais empreinte d’une bienveillance maternelle. Uniformes, sorties en groupe après inspection par la surveillante générale sont de rigueur. Le souci d’éviter les « contacts dangereux » est constant; les heures de sortie sont décalées le soir afin d’épargner le spectacle de la rue Moyenne dont « la tenue laisse particulièrement à désirer ». Des amendes de 0.50 F par jour à taux progressif frappent les « élèves désordonnées », la somme réunie permet de financer un voyage pour leurs compagnes méritantes. Le courrier autorisé avec une liste limitée de correspondants agréés fait l’objet d’un strict contrôle qui peut conduire au Conseil de discipline. Ce dernier peut se réunir jusqu’à cinq ou six fois par an. Les correspondances amoureuses constituent les affaires les plus courantes, souvent sanctionnées d’un renvoi définitif, en particulier pour cette élève, à qui l’on reproche sa « mentalité (qui) lui permet d’écrire simultanément et dans le même style à trois amis différents (. . . et) son rôle pernicieux parmi ses compagnes en cherchant des amis pour les plus faibles d’entre elles ». On peut relever quelques cas de vol, d’insolence, de fraude, de liaisons à « caractère immoral ». Quelques aventures sortent de l’ordinaire. Quelques élèves « en train de se préparer une petite crème avec un reste de lait et de farine » à l’enseignement ménager ne se rendent pas compte de « la gravité des faits » . La dernière affaire comparaîtra devant le conseil le 3 mai 1968. Le conseil des professeurs, après l’examen des questions pédagogiques, distribue punitions et récompenses. Les sanctions consistent en retenues y compris sur les vacances, exclusions, diminution voire suppression des bourses. A l’inverse, l’on peut recevoir tableau d’honneur, témoignages de satisfaction, augmentation de bourse, primes, ouvrages d’art. gravures.
Des majors sont désignés après 1935, distingués par un insigne, suivant leur valeur intellectuelle et morale; ils ont mission de créer « une bonne solidarité, un esprit de classe et de discipline » et ont voix consultative dans les rapports entre la classe et les « autorités ». En fin d’année, se déroule dans la chapelle une cérémonie solennelle de distribution des prix et des diplômes. Une grande fête dans le parc clôture l’année, mêlant exposition de travaux, évolutions gymniques, représentation théâtrale. L’ENP s’affirme, toutes les classes sont ouvertes à partir de 1932. La section infirmière doit fermer en 1934, faute d’effectifs, par contre en 1939 il faut ouvrir un second cours préparatoire. A cette date, on compte 629 élèves dont 344 à l’ENP et 500 internes. L’ENP jouit d’une assez grande autonomie administrative. Avec l’accord du conseil d’administration, Mme la Directrice gère les agents de service. Les ressources propres constituent environ la moitié des recettes pour un budget de près de 2,8 MF en 1939. L’on s’efforce d’ailleurs â les accroître au maximum. On vend du foin, des scories, des vieux tuyaux, des gâteaux, les objets fabriqués aux ateliers.
Une salle d’exposition, un salon d »essayage sont aménagés en 1938 à l’habillement. L’année suivante, « les fonds de vitrine se sont épuisés, il n’y a plus de « rossignols » à liquider ». Pour mettre le jardin en valeur, un cheval, une carriole sont achetés, un jardinier embauché. Mais en raison de la « mauvaise volonté incurable » de ce dernier pour qui le cheval est « un prétexte d’occupation », il faudra se séparer du cheval, puis du jardinier. Dès l’origine se posent des difficultés dont certaines n’ont pas perdu toute actualité : sécurité incendie, chauffage, parking, salle de foyer, gymnase, exiguïté des locaux. Deux pompiers assurent la garde de nuit en uniforme « afin de donner aux élèves une plus grande impression de sécurité ». Le chauffage à vapeur, difficile à régler nécessite une « surveillance constante » par deux chauffeurs. Un hangar à bicyclettes, abritées dans le hall jusqu’alors, est construit. La cour « véritable marais » est goudronnée en 1937. L’équipement se modernise: achat de machines à écrire Japy, de matériel inox à la cuisine. En 1935 un nouveau bâtiment est achevé, le pavillon de l’enseignement ménager qui devait présenter le cadre de la « petite maison ouvrière » et de la « petite maison berrichonne ».
Les années difficiles de la seconde guerre mondiale
Sans atteindre des proportions tragiques, la seconde guerre mondiale touche l’ENP : la vie est à l’heure de la drôle de guerre, puis de l’exode. L’on applique les mesures de défense passive: recensement du personnel en vue de la mobilisation, distribution de masques â gaz, exercices d’évacuation de nuit, confection de 70 sacs de sable. Dans le parc, des prisonniers allemands remettent en état une tranchée dont la visite inaugure la séance du conseil d’administration. La vente de vieux papiers et de chiffons procure quelques ressources. L’exposition vente s’adapte au goût du jour sur le thème du « retour à la vie simple ». En faveur des soldats et des réfugiés alsaciens lorrains, les anciennes élèves ont « tricoté sans relâche » pour envoyer des colis.
Malgré de fréquentes alertes, la plupart des élèves demeurent jusqu’au 15 juin, fin des examens, manifestant un « réel courage », puis rejoignent leur famille; 20 internes isolées vivent, sous la conduite de la surveillante générale, une odyssée mouvementée jusqu’à l’ENP d’Egletons.
Les locaux abritèrent des réfugiés, des troupes françaises puis allemandes. A la rentrée, les autorités d’occupation prennent possession du bâtiment ce qui contraint l’ENP à la dispersion en divers points de la ville. Seuls gardent la place, la Directrice, réunissant dans son appartement le conseil d’administration, la surveillante générale et quelques agents. Les occupants entreprennent quelques travaux : un garage en bois, une aile terminée en rotonde ajoutée au pavillon d’enseignement ménager utilisée comme mess des officiers. La vie continue au ralenti.
Les effectifs chutent à environ 200 élèves dont une centaine d’internes. La politique de Vichy transparaît dans les mesures d’économie : « récupération des corps gras dans les os », utilisation parcimonieuse du papier car il atteint des « prix fabuleux ».
Les anciennes élèves sont invitées à s’engager comme assistantes sociales du Secours National. Une personne est touchée par l’application du Statut des Juifs, les autres se déclarant « aryens ». Le souci prioritaire devient le ravitaillement. Par la force des choses, l’Etat n’accordant plus aucune subvention, le retour à la terre, pilier de la révolution nationale, s’intensifie. Les jardins de l’École et plusieurs terrains extérieurs sont exploités. L’Économe met en place un élevage de porcs et d’abeilles. Mme la Directrice met un point d’honneur au maintien de l’état sanitaire des élèves : en 1942 sur 109 internes, 104 ont pris du poids.
Malgré la dureté des temps, l’exposition des travaux d’élèves se tient en juin 1943 dans un salon aménagé rue des Quatre-Piliers. Par contre à partir de 1944 la situation se dégrade, à la suite d’épidémies de grippe, d’oreillons et même de cas de diphtérie. Les risques de bombardement provoquent des départs nombreux ; le 10 avril, celui de Bourges entraîne l’évacuation immédiate des locaux.
Renouveau et croissance
A la rentrée 1944, Mme la Directrice salue avec « émotion (…) le Préfet et le Maire de la Libération ». L’état des lieux est préoccupant, dans l’aile droite affectée à des « troupes venant de Russie », deux dortoirs ont été « entièrement saccagés » : 300 vitres sont brisées, « de nombreuses cloisons fendues ».
Le parc où les Allemands ont fait sauter des munitions est encombré de barbelés mais semble déminé. Le mobilier et le matériel sont dispersés. Des travaux importants s’avèrent nécessaires compromis en 1947 par un sérieux incendie dans un dortoir.
Les effectifs connaissent une croissance continue. A la rentrée 1944 sont implantés un collège moderne et un centre de formation professionnelle devenu Centre d’apprentissage en 1949, préparant à huit CAP des métiers de bureau et d’habillement.
En 1950, 807 élèves se répartissent ainsi : ENP: 479, Collège moderne : 228, CAP : 110.
Les structures évoluent en permanence : départ des 6ème et Secondes pour le Lycée et en 1952, départ définitif du collège moderne.
Le concours d’entrée se passe au niveau de la 4ème et de la 3ème technique. La section monitrice d’enseignement ménager de Saint Ouen est rattachée à Bouges de 1953 à 1955.
Malgré le départ du collège moderne, le cap des 1 000 élèves est franchi en 1961 dont 907 à l’ENP.
De nouveaux locaux sont aménagés en 1951, la salle d’histoire géographie en gradins, est équipée pour la projection de films, en 1955, le gymnase finit par trouver sa place dans la chapelle. Le plateau d’Education Physique, « un des plus beaux du département » est installé.
Les diverses expositions connaissent un succès certain, celle de Paris en 1953, a pour thème la décoration d’une « chambre de jeune fille ».
En 1958 s’ouvre la première section d’enseignement supérieur TS secrétariat.
L’évènement le plus remarquable de cette période réside dans la construction du nouveau Pavillon scientifique, « dévoué à la chimie ». En 1960, sont mis en service des nouveaux laboratoires, amphithéâtres et dortoirs. L’extension du nouveau pavillon d’enseignement ménager devient réalité en 1959, « équipé de cuisine, salle à manger, salle de repassage et de lavage des plus modernes ».
Le remplacement des quatre escaliers en bois par du ciment débute.
Du Lycée Technique d'Etat au lycée Jacques Cœur
Nostalgie ! A la rentrée 1960, c’est la fin administrative de l’ENP qui devient LTE ; le centre d’apprentissage devient CET annexé.
Cependant la nouvelle appellation ne s’impose que difficilement dans les faits, elle n’apparaît qu’en 1967 dans les procès verbaux du CA.
En 1961, en présence des autorités locales et des chefs d’entreprise, se déroule une grande manifestation à l’occasion de l’inauguration des pavillons ménager et scientifique. Chaque section présente une exposition des travaux: « caractérisation des cations, bactériologie, hématologie, machines comptable, duplicateur électronique, appareil de diascopie… ». Un défilé de modèles et une représentation théâtrale couronnent la journée ; le lendemain : ouverture au public.
Les structures pédagogiques se modifient progressivement afin d’intégrer l’ENP dans le système du second degré.
Il subsiste encore une classe de 6ème et de 5ème moderne, une 4ème et une 3ème technique, une 4°ème d’accueil qui « rend service aux institutrices » pour la préparation au concours d’entrée.
En 1962, le transfert de la section commerciale du Lycée Technique de Garçons entraîne l’arrivée des »premiers éléments masculins », qui toutefois, « semblent se comporter très honorablement ».
En 1965, le 1er cycle est définitivement supprimé, le recrutement se pratiquant au niveau seconde.
La TS de Biochimie vient étoffer le cycle supérieur en 1963.
Les examens préparés sont nombreux : brevets d’enseignement technique, brevets supérieurs, BTS diplômes LTE, monitorat d’enseignement ménager, concours d’entrée à l’ENNA, à l’ENSET, et depuis 1959, le bac technique économique.
Les exemples de réussite brillante sont nombreux, ne citons que cette ancienne « bio », devenue assistante du Professeur Monod et qui l’accompagnera à la réception du prix Nobel.
Des projets depuis longtemps formulés, aboutissent enfin. Les nouvelles cuisines permettent en 1962, d’accueillir 800 convives. Le CET se voit doter de « deux baraques », début d’une longue multiplication. En 1968 l’hôtellerie offre un service restaurant, « la cuisine est excellente et le service parfait ». L’infirmière reçoit « un logement convenable » dans un préfabriqué ; un local de documentation est aménagé.
Créée en 1959, la coopérative scolaire fait preuve d’un grand dynamisme. Dotée de crédits, de décharges de service pour les animateurs, de l’aide de la FOL, elle est, sous la responsabilité de la surveillante générale, dirigée par un comité directeur de 6 élèves élues ; deux responsables coopérative par classe sont désignées. Les activités foisonnent: jardinage, musique, danse folklorique, chorale, art dramatique, bricolage, ciné club. Tous les 15 jours, on danse à la chapelle sur des rythmes de « modern’dance ». « L’Echo des arcades » donne des nouvelles des clubs, et comporte des rubriques poésie, cuisine, mode. La coopérative a pu acquérir télévision, magnétophone, électrophone, appareils photo, matériel de reliure. Les fêles donnent l’occasion aux clubs de se manifester; fêtes des « rentrantes », de Noël, Pâques, les classes terminales organisent des voyages de promotion.
Mai 68
En 1968, on compte 1401 élèves dont 500 internes.
Mai 68 suscite quelques émotions et « un grand vent d’émancipation ». L’Ecole est désertée deux semaines et s’adapte aux nouvelles structures de tous les lycées du pays. Un décret supprime les articles de la loi de 1919 sur l’organisation des ENP ; l’Ecole perd sa spécificité et se normalise.
Le Conseil d’administration comprenant des délégués élèves et professeurs est occupé par la confection des nouveaux règlements. De nouvelles libertés sont accordées: correspondance libre, « discret maquillage », autorisation de fumer. Déjà les TS bénéficiaient du régime étudiant. Pour les internes, fin des promenades accompagnées en uniforme ; les sorties sont libres, tous les quinze jours, sortie obligatoire. Seules les Secondes sont surveillées en étude, cependant sur décision de la majorité de la classe, « les élèves incapables de s’astreindre à une discipline librement consentie seront transférées dans une étude surveillée. »
Pour la première fois le budget n’est pas adopté : 26 contre et 30 abstentions. Les examens deviennent bacs et brevets de technicien, BEP et CAP.
En 1970 les sections supérieures d’enseignement ménager et hôtellerie spéciale sont supprimées, mais la 1ère G1 d’adaptation fonctionne. Le labo de langue s’installe. Le foyer remplaçant la coopérative, création « suspecte d’avant 68 », « vivote », faute d’un bénévolat suffisant. La surveillance soulève des difficultés se réduisant « au mieux à une simple présence », en dépit « des améliorations notoires apportées (au) sort » des MI-SE. Le placement des élèves demeure excellent dans toutes les sections mis à part les CAP tertiaires.
Le lycée Jacques Cœur
Choisi en 1972, officialisé l’année suivante, le patronyme emporte la quasi-unanimité. Rare « il est très représentatif de la ville de Bouges et très cornu dans toute la France (…) il correspond bien au caractère propre (… ) de l’établissement qui touche â de nombreuses formes de l’activité économique ».
L’éventail des formations s’ouvre : La pratique de l’allemand LV1 en 1974 et de l’anglais LV2 en 1977 laisse ouvert le choix des orientations au niveau de la Seconde.
La mixité s’introduit à l’hôtellerie, en 1973, « quelques garçons externes, habitant Bourges » peuvent s’inscrire en Seconde.
En 1982 s’ouvrent une première G3 et une première hôtelière d’adaptation, une F8 sciences médico sociales en 1987.
Les sections supérieures se développent : TS ESF en 1976, secrétariat trilingue en 1985.
Le CET devenu LEP autonome en 1977 perd son secteur tertiaire parti pour le LEP Vauvert.
Les effectifs connaissent une croissance continue : 1354 élèves en 1970, 1791 en 1988 ; le LEP déclinant de 546 en 1963 à 271.
Les sections supérieures, passent de 103 à 205 étudiants. L’internat ne séduit plus et connaît une baisse continue, il ferme ses portes tous les week end.
En avril 1979, trois jours de festivités célèbrent le cinquantenaire de l’Ecole en coopération avec France Intec, association des anciens élèves d’ENP en congrès national, sous le patronage de M. Deniau, Ministre du Commerce Extérieur.
L’équipement matériel se renforce. Les agents bénéficient d’un véhicule de service en 1972, « un vélomoteur avec sacoches », puis en 1979 d’un tracteur tondeur broyeur.
Le premier ordinateur pénètre à l’intendance en 1976. Une salle d’informatique s’ouvre dès 1981, bientôt suivie d’une deuxième. Une équipe de professeurs anime un serveur télématique, centre d’appui départemental.
L’habillement ne repose plus seulement sur l’habileté manuelle, il se dote d’une machine de CAO Lectra-system d’une valeur de 46 000 francs en 1987.
Signe des temps, à partir de 1985, quatre TUC occupent quelques fonctions complémentaires. L’amélioration des bâtiments se poursuit. Des mesures de protection contre l’incendie sont établies à partir de 1973.
En 1976 est lancé avec les moyens du bord, un vaste programme de travaux, « les plans tracés par le proviseur », les travaux pris en charge par les ouvriers de « l’équipe professionnelle ».
En 1978 les locaux administratifs sont refondus, le proviseur sacrifiant une partie de son bureau de plus de 100 m2; la salle des professeurs est agrandie. La récupération d’une aile d’internat permet l’installation en 1980 d’un bureau secrétariat et d’un cabinet d’histoire géographie avec bureaux pour les professeurs; le CDI trouve enfin un espace à sa mesure et s’y installe en 1985. Un nouveau laboratoire de biochimie s’équipe de toutes les protections antimicrobiennes en 80. La rénovation de 15 chambres de maîtres d’Internat permet l’accueil de jeunes professeurs et de visiteurs.
En 1987, débutent les travaux de réfection de la façade d’une valeur de 1 400 000 F. En 1985, la chapelle entièrement ravalée retrouve son éclat d’origine. La situation financière se dégrade, le déficit se creusant à partir de 1985, atteignant 1 600 000 Francs en raison de l’accroissement des combustibles, de l’électricité et de la vétusté du matériel, le réseau des eaux se révèle « totalement poreux ».
Le soixantenaire
En 1989 le 60ème anniversaire suscite plusieurs initiatives. La formation industrie de l’habillement s’adapte à la profonde mutation de ses métiers. Les petites mains, c’est révolu, « la couture c’est fini », désormais il s’agit de maîtriser « le dossier technique du vêtement ». En dépit de la crise profonde de la branche textile, au niveau BTS les débouchés sont abondants, toutes les élèves de l’an passé ont été placées, la demande afflue de l’étranger.
Enfin, « les potaches sortent de leur Coquille » : c’est le titre bien choisi du journal lycéen confectionné par la bande d’une dizaine de passionnés avec leurs propres moyens. On peut les retrouver sur Minitel. Le succès est immédiat, les cinquante premiers exemplaires sont vendus en cinq minutes.
Bien sûr, le défilé de mode entièrement conçu et réalisé par la section habillement couronne les commémorations, c’est « du travail de pro ».
Dans le cadre de la chapelle dont la grande rosace éclaire un drapé tricolore, on retrouve « une ambiance de présentation de collections, exception faite des lambris dorés » sur le thème d’un « dialogue surréaliste entre une néo-punkette de luxe et une aristo libérale fin XVIIIème ».
Le grand lycée polyvalent.
La fin du millénaire est marquée par une véritable métamorphose : la Région a opté pour une rénovation et une restructuration globale et la réalisation d’un grand lycée polyvalent.
Les bonnes nouvelles se succèdent. Après huit années de déficit chronique, la situation financière est assainie grâce à une politique « de gant de fer ». Autre satisfaction matérielle, le confort s’améliore nettement grâce à la disparition de « l’antique chauffage à vapeur » remplacé par le gaz, ces travaux supprimeront « les dernières zones froides ».
La modernité entre en force avec le développement de l’informatique. Sous la maîtrise d’œuvre d’un professeur de mathématiques, l’intégralité du nouveau bâtiment scientifique, le CDI et une partie des bâtiments historiques sont connectés en réseau à un ensemble de serveurs puis à l’Internet par une liaison ADSL haut débit dès 1999. Le Lycée possède son site propre. Les différentes sections présentent leurs particularités. L’hôtellerie, dans une carte copieuse mais digeste, offre une somme exhaustive de recettes.
Pour le compte du serveur académique, l’équipe de professeurs d’histoire géographie a réalisé un recueil critique des ressources informatiques et Internet. L’arrivée de sections classiques entraîne la polyvalence. Les littéraires ne se maintiendront que quelques années, faute d’effectifs suffisants. Par contre, l’installation des scientifiques S est un succès, ils se placent parfois en tête du département pour le taux de réussite au bac. D’ailleurs les résultats scolaires s’améliorent progressivement, en 1997, une bonne année, plus de 89% de reçus au baccalauréat, toutes séries confondues, pour une moyenne académique de 80%. L’éventail des formations s’élargit : 3 CAP et BEP, 2 BAC Pro, 10 séries de baccalauréat, 9 filières BTS et post bac. Les effectifs grossissent jusqu’à un maximum de 2350 élèves encadrés par plus de 200 professeurs ce qui en fait par la taille le second lycée de l’Académie.
Les grands travaux.
La Région confirme sa résolution et consent un engagement financier considérable, environ 80 millions de francs au total, soit plus du double d’une construction nouvelle. Pendant près de trois lustres le lycée accueille un chantier permanent, « dans le genre travaux d’Hercule à la mode de la région Centre ». Bulldozers, marteaux piqueurs, boue, gravats composent durablement le paysage. Toutes les constructions surajoutées au fil du temps sont progressivement mises à bas : réfectoire, cuisines, pavillons ménager, hôtelier. « Avec une joie sans mélange », une petite cérémonie célèbre « la casse des baraques ». La cour de service totalement rasée devient un vaste parvis précédant la nouvelle entrée monumentale en 1994.
Les nouvelles constructions sortent de terre tour à tour.
Aux allures de paquebot, avec ses coursives métalliques, le premier des bâtiments est destiné à l’hôtellerie et au secteur médico social. Il comprend bien sûr des cuisines et un restaurant d’application largement ouvert sur le parc et la chapelle. A l’entresol est installé le réfectoire en self service. La réalisation a coûté 32 millions de francs auxquels s’ajoutent 9 millions d’équipement lourd.
Sans relâche, les travaux se poursuivent, faisant surgir un nouvel ensemble en forme de L destiné au tertiaire et à l’habillement. Dans l’espace ainsi dégagé au rez-de-chaussée du vieux bâtiment, s’installent plus à l’aise l’intendance, les bureaux des deux proviseurs adjoints et des quatre CPE.
Doté d’un mur d’escalade, le gymnase, tant espéré des sportifs, est livré en 1994. Il libère la chapelle qui devient le foyer lycéen. En 1995 le nouvel internat est achevé, il est équipé en sous-sol d’une salle de gymnastique au sol.
En 1997 les sciences reçoivent leur nouveau bâtiment conforme aux normes drastiques en matière de sécurité chimique et bactériologique.
Du 70ème anniversaire vers l’avenir
Une soirée de gala fête à la fois le renouveau et le 70ème anniversaire : 400 convives sont invités à un voyage autour du monde dans la grande salle du réfectoire. Les préparatifs ont exigé deux ans d’efforts, la logistique est à l’avenant, 10 élèves à l’accueil, 70 en salle pour servir chacun des plats en dix minutes.
Les invités dégustent les saveurs de toutes les contrées du globe, l’habillement accompagne la succession des mets par une évocation des cinq continents, « parade de couleurs, d’étoffes de soie, de bouts de rien, et de presque tout ».
En 2003 le bâtiment des sciences qui n’a pas même atteint la cinquantaine est démoli, il laisse place à un parking débouchant sur la rue Jean Baffier par un nouvel accès sécurisé. Les grands travaux ont presque trouvé leur épilogue ; seule la chapelle reste à restructurer en un vaste CDI, salle de conférences et maison des lycéens.
En dépit du parc un peu raboté, les nouveaux locaux, disséminés dans l’enceinte, offrent un cadre confortable destiné à l’accueil d’un optimum, volontairement limité, de 2200 élèves. Recrépi, débarrassé des ajouts successifs, le « bâtiment historique » a retrouvé sa pureté architecturale.